Le goût du thé : petite explication technique

Le goût du thé : petite explication technique

Pourquoi un sencha est-il si différent d’un bi luo chun, pourquoi un darjeeling se rapproche-t-il plus de certains oolongs que de son voisin d’Assam ?

Bien sûr l’effet terroir (sol/sous-sol, climat, variété/cultivar) joue à fond. Mais pas que. C’est ce que nous allons voir ici, de manière succincte c’est promis. Avant de comprendre ce qu’il se passe dans nos chères petites feuilles on va d’abord se mettre d’accord sur une définition fondamentale :

Qu’est-ce que le goût ?

« Ben t’as le touché, l’ouïe, l’odorat, la vue et le goût, c’est simple ».

Vu comme ça c’est en effet simple. Et un poil plus complexe quand même. Le goût est donc un sens. Il se compose des cinq saveurs (acide, sucré, salé, amer, umami), d’arômes (floral, animal, herbacé, fruité, boisé…) et de sensations tactiles (astringence, vivacité, velouté…).Il varie grandement d’une personne à une autre. En fonction de ses habitudes alimentaires, ses activités, sa curiosité, son âge, son genre (n’en déplaise aux amoureux de la théorie du genre). C’est un sens qui s’aiguise ou s’émousse. On est donc tous différents face à ce dernier.

Petit rappel de fabrication du thé

« c’est comme le vin : j’en bois mais à part être du jus de raisin alcoolisé je sais pas trop ».

Alors « pour toi public » (Frank Dubosc si tu nous lis) très, mais alors très, grossièrement le thé est fabriqué de la manière suivante :

- Cueillette

- Flétrissage, naturel ou voulu par l’homme, pour faire perdre de l’humidité à la feuille

- Fixation : on va alors stopper l’oxydation pour la majorité des thés, sauf blancs et noirs

- Roulage : les thés verts, oolongs, noir et Pu’erh seront roulés en différentes formes pour faire ressortir leurs huiles essentielles

- Oxydation : certains oolongs et les thés noirs vont être volontairement oxydés

- Séchage : tous seront alors séchés afin qu’ils restent stables dans le temps (un peu comme lorsqu’on sulfite du vin).

Les deux étapes qui nous intéressent particulièrement ici sont le flétrissage et l’oxydation.

 

Thé vert chinois infusé


Le flétrissage

Il est l’un des principaux responsables de la formation des arômes du thé. Cette étape commence dès la cueillette : les feuilles perdent naturellement leur eau par évaporation. En fonction de la durée de cette étape les composés chimiques (lipides, caroténoïdes et glycosides) se dégraderont pour former des arômes, responsables d’une partie du goût du thé.

Par exemple lorsqu’on arrête le flétrissage le plus rapidement possible seuls quelques composés (linalools et hexanols) auront le temps de se créer. Responsables des arômes végétaux, frais ils semblent former la majeure partie des composés aromatiques du sencha.

Si on pousse plus longtemps, dans le cas de nombreux thés verts chinois par exemple, ce sont des substances comme le géraniol, le méthyl jasmonate ou le geranylacetone (à vos souhaits) qui apparaitront, créant des arômes floraux, entre autre.

En allant encore plus loin, ce qui est le cas dans les oolongs ou Darjeeling, d’autres (que je ne nommerai pas, décence oblige) vont alors créer des arômes d’abricot, de fleurs jaunes, de miel ou de noix.

 

L’oxydation

Sauf thé jaunes et pu’erh (et autres hei cha) le thé est composé de feuilles oxydées. Ceci posé l’oxydation (celle des polyphénols) va jouer un rôle majeur dans la texture. Autrement dit : votre thé sera-t-il plus ou moins vif, astringent, onctueux, épais, soyeux ?

Ce sera dû, à infusion égale, à l’oxydation des feuilles.

Ces polyphénols vont se transformer, en fonction du degré d’oxydation. D’abord en théaflavine, qui apportera astringence et amertume, vivacité et corpulence. Ainsi les thés d’Assam, de Ceylan et du Kenya par exemple. Si l’oxydation est plus lente se formera alors la théarubigine pour une douceur tellement agréable. Ce sera par exemple le cas des Darjeeling, Yunnan d’Or ou Oolong oxydés.

 

En conclusion et résumé :

les arômes du thé sont principalement développés dans la phase de flétrissage (nous avons volontairement omis le cas des arômes développés lors de la réaction de Maillard) et la texture pendant l’oxydation. Est-ce à dire qu’un thé vert, non-oxydé, n’a pas de texture ? Et non Jean-Pierre. Car on doit prendre en compte par la suite d’autres paramètres, comme la température qu’on utilise chez soi.

Bon donc le thé c’est compliqué ? C’est complexe, c’est sûr. C’est fin et subtil, ça aussi c’est sûr. Mais au final le plus important c’est que ce soit bon non ?

Je vous laisse, un oolong d’une espèce inconnue, made in Darjeeling, m’attend.

 

Sources :

- Harney & Sons Guide to Tea, M. Harney

- Mes jardins de thé, M. Finkoff

- Tea: Bioactivity and Therapeutic Potential, Yong-Su Zhen

- Descripteurs pour le théier, International Plant Genetic Ressources Institute

- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221345301500018X

- http://leselcbepdd.over-blog.com/2016/04/le-gout-les-saveurs-et-les-aromes.html

- et bien sûr www.forumdesamateursdethé.fr, une mine d’informations en français

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